Dans le silence du vent, de Louise Erdrich

Coucou, c’est la revenante ! Voilà, c’est la fin de la canicule, je peux raccrocher ma serviette de plage et mon maillot une-pièce noir en lycra de femme enceinte (comment je vous balance mon scoop l’air de rien ! Respect hein ? 😉)

Allez j’avoue, recommencer à bloguer au creux du mois d’août on a fait mieux comme retour fracassant (c’est pas ma faute, mon dir’ com’ est en vacances) mais on va dire que ça recommençait à me titiller, ce besoin irrépressible de parler de mes lectures et d’aller voir celles des autres… Ce côté exhibitionniste des gros lecteurs. Un fâcheux dilemme me paralysait cependant (parenthèse : au cas où vous vous demanderiez si l’hyperbolite est un effet secondaire de la grossesse, je vous répondrais que mes hormones vous envoient poliment vous faire cuire un oeuf, et toc).

Or ce dilemme, le voici : chroniquerais-je mes dernières lectures dans l’ordre chronologique (ce qui nous remonte au mois de mai, voire… à plus loin), avec le risque de ne jamais rattraper mon retard, ou bien parlerais-je de celle qui ont laissé leur empreinte la plus fraîche dans ma mémoire ? J’ai opté pour la seconde solution, la plus facile évidemment.

La plus facile parce que ce roman, Dans le silence du vent de Louise Erdrich, m’a vraiment envoûtée, ce qui confirme une fois de plus l’excellent choix de ma copine Lili qui me l’a offert. Alors voilà, une fois de plus je découvre un auteur qui est pourtant bien dans la place depuis un certain temps, maintes fois récompensé et tout. Mais tout ça, c’est du vent, ai-je envie de dire (hem). L’important, c’est la découverte de ce monde qui évoque des temps retirés, douloureux et spécifiques de l’histoire américaine : une réserve indienne ojibwé dans le Dakota du nord. Et ce qui est le plus important encore : ce monde, que l’auteure dépeint vers la fin des années 1980, est banal en fait. Les coiffures en plumes, les hommes médecine, la cabane à sudation, les danses, les pipes, les mythes, tout ce qui ressemble de près ou de loin au folklore qu’on a en tête à propos des Indiens d’Amérique quand on n’a lu que Lucky Luke, tout cela n’apparaît qu’au détour d’un passage au supermarché, de virées à vélos entre copains, et d’un petit job à la station service. Et puis, il n’y a pas que des Indiens qui vivent dans une réserve (d’ailleurs, l’indianité est un critère autant culturel qu’à proprement parler ethnique). Et puis, ils ont des maisons, un hôpital, un tribunal, une église… A priori peu de choses les distinguent du reste de l’Amérique, y compris dans leur façon de parler, de se vêtir et de consommer.

Et pourtant. Pourtant si. L’apparence de normalité de la vie du jeune Joe Coutts, 13 ans, va se craqueler sous l’effet d’un événement horrible, et malheureusement banal en termes statistiques : le viol d’une femme indienne, sa propre mère, Geraldine. Cette fracture va révéler l’humiliation culturelle sous-jacente qui marque l’ethos indien aux Etats-Unis. L’onde de choc se répercute sur la famille élargie, la communauté, et le cercle soudé des trois amis de Joe. Durant l’été sauvage qui suit le drame, les quatre adolescents se jettent à corps perdu dans la quête du coupable et dans la vengeance.

Ecrit à la première personne du singulier, ce roman initiatique d’une sortie de l’enfance est à la fois l’épopée moderne d’un jeune garçon en croisade contre l’injustice, mais aussi le récit coloré, à la Huckleberry Finn, de ses aventures rocambolesques en compagnie de ses copains Zack, Angus et surtout son cher Capy (la scène du curé, ancien GI, qui pourchasse Capy dans toute la ville vaut son pesant de cacahuètes). En fait, ce roman n’est clairement pas univoque. Il aborde toute une série de thèmes en miroir : l’éveil de la sensualité, les relations filiales, l’arrière-plan social et spirituel des habitants de la réserve, et bien-sûr la trame écorchée des rapports entre femmes et hommes, entre indiens et blancs. Louise Erdrich propose un ton accessible dont l’écho ne se résume pas aux actions des personnages, mais porte loin et profond. Des personnages inoubliables émaillent le tableau : le père de Joe en vieil homme bedonnant, dépassé, dont le courage digne force l’admiration – le vieux Mooshum rescapé du temps des cow-boys et des indiens – la blonde Sonja au passé trouble – Linda Wishkob, blanche adoptée par des indiens – Capy, l’ami que tout le monde rêverait d’avoir, et j’en passe…

Quand je le lisais, j’avais en tête un autre roman qui me semblait proche par le thème et le ton. Mais trop d’eau de mer a dû me rentrer par les oreilles dans le cerveau : j’ai oublié lequel c’était. Tant pis, si je retrouve le titre, je mettrai un edit.

En attendant, c’est un roman qui transporte, tient en haleine et fait réfléchir. Le combo gagnant des bons bouquins.

« Dans le silence du vent » de Louise Erdrich, Albin Michel, Le Livre de Poche, 2013, 490 p.

6 commentaires sur « Dans le silence du vent, de Louise Erdrich »

  1. Merveilleux ! Te lire me manquait et je suis ravie de découvrir que tu nous reviens avec ce roman qui m’a tant touchée. Tu as raison, ce roman est loin d’être univoque. Il faut se départir de tous les clichés relatifs à la question amérindienne et, sous les abords du roman, réfléchir à la possibilité de dépasser les blessures du passé pour reconstruire une indianité épanouie aujourd’hui.
    Douces bises, copinette :*

    1. Je ne t’avais même pas répondu copinette ! Oui je coche tout ce que tu dis, et je souscris à l’idée que Louise Erdrich fait peut-être ce travail d’épuration du passé pour mieux défricher l’avenir et participer à l’élaboration d’une identité indienne plus épanouie aujourd’hui.

    1. Chic, j’ai dégoté un livre que tu n’as pas encore lu !
      Merci, oui c’est une bonne nouvelle 🙂

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