Dans son nouveau roman, Jonathan Coe évoque l’évolution récente du Royaume-Uni à travers l’histoire d’une famille anglaise lambda, les Lamb, ponctuée par les grands moments d’une famille un chouïa plus connue en Angleterre : de la victoire de 1945 au confinement du printemps 2020, nous passons en effet par le couronnement d’Elizabeth, l’investiture du prince de Galles, le mariage de Charles et Diana et la mort de Diana. Seule la finale de la Coupe du Monde de 1966, opposant l’Allemagne à l’Angleterre, ne fait pas intervenir les royals.
Je tiens à préciser que je n’ai pas fait exprès – mais mon inconscient peut-être un peu plus – de lire ce roman en plein couronnement de Charles III. Ça m’a donné une étrange impression d’être moi-même dans le livre, dans une mise en abyme (j’adore ce mot), de continuer l’histoire en quelque sorte. D’autant que Jonathan Coe se serait plu à montrer que nous regardons les grands événements royaux, non plus tous regroupés autour du poste de télévision comme autrefois, mais chacun devant l’écran de son smartphone. O tempora, o mores, comme aurait dit l’autre.
À travers le destin de Mary Lamb, petite fille ébaubie par la victoire, puis épouse et mère, prof de gym, grand-mère dynamique, enfin veuve confinée seule chez elle, l’auteur se fait le chroniqueur d’une certaine forme de déliquescence annoncée de son sujet d’étude préféré : le sentiment national anglais. Celle-ci s’observe à la façon dont la population communie aux grands événements nationaux au fil du temps : des rassemblements massifs on passe à plus d’individualisme, puis à des déchirements intra-familiaux (reflétant ceux de la nation) autour notamment de la question du Brexit (thème que Coe avait déjà abordé dans Le coeur de l’Angleterre). En réalité, cette désunion s’observe depuis la date glorieuse du 8 mai 1945, pierre angulaire de la fierté nationale, puisque ce jour-là certains préfèrent ne pas célébrer la victoire avec le reste du peuple, critiquent le discours du roi ou provoquent une bagarre monumentale. And so on.
Le roman pratiquement s’ouvre et se clôt sur une scène insignifiante en apparence : « le sommet du crâne de ma mère », soit le spectacle visualisé par le fils et la petite-fille de Mary sur leur écran d’ordinateur quand ils lui parlent par Zoom pendant le confinement. Une expérience vécue par nombre d’entre nous avec nos « anciens » quand ces derniers se frottent aux nouvelles technologies. Une scène qui prend une résonnance plus tragique quand on apprend qu’elle est directement tirée du vécu de l’auteur avec sa propre mère, morte pendant le premier confinement.
Quand tout ce cirque fut enfin terminé, Lorna se retrouva face à l’image habituelle sur son écran d’ordinateur : la moitié supérieure du front de Gran (p. 19).
C’est tout le talent de Jonathan Coe que de tresser avec finesse et force allusions implicites une foule d’observations sur l’enfance, les sentiments amoureux, les relations intergénérationelles, l’intolérance, les biais psychologiques, les tics sociaux. Le roman se découpe en plusieurs saynètes qui se recoupent en boucles : un amour de vacances au pays de Galles connaissant un dénouement inattendu des années après ; les coulisses de la savoureuse « guerre du chocolat » dans le Bruxelles européen des années 90 permettant de suivre les débuts d’un certain « Boris » blond et provocateur (toute ressemblance avec un personnage connu n’étant pas absolument fortuite) ; une émouvante scène mère-fils… Du début à la fin revient le même leitmotiv très « lampedusesque » : « plus ça change, plus c’est la même chose ».
« Vous connaissez la fameuse blague sur les Français et les Britanniques que tout le monde raconte ici au Parlement ? Une commission quelconque se réunit, et les Britanniques proposent une solution tout ce qu’il y a de plus honnête et de pragmatique au problème à traiter. Mais les participants français se contentent de les regarder et disent : « Oh, évidemment, tout ça c’est très bien, dans la pratique. Mais comment est-ce que ça va marcher dans la théorie ? » (p. 343)
En résumé, s’il est une chose que le temps ne désunit pas au Royaume-Uni, c’est bien le formidable don de ses romanciers pour capturer l’air du temps et le restituer avec autant de profondeur que d’humour !
Edit : Pour ceux qui ont lu Expo 58, on retrouve Thomas Foley en père et mari distant…
« Le royaume désuni » de Jonathan Coe, Gallimard, 2022, 489 p.
Dans ce premier tome de la série policière de Leonardo Padura, Mario Conde est un tout jeune inspecteur de la police havanaise de 34 ans, mais il tient déjà une sacrée couche de mélancolie (et une sacrée gueule de bois). Son chef a bien du mal à le réveiller en ce 1er janvier pour lui confier une nouvelle affaire : la disparition de Rafael Morin. A ce nom, les souvenirs de Mario Conde s’éveillent. Ses jeunes années au Pre de la Vibora (son lycée) ressurgissent, entrecoupant l’intrigue policière de récits à la première personne qui révèlent un Mario adolescent, entouré de ses amis, de Tamara, son crush absolu, et de Rafael, le chef très hâbleur du syndicat étudiant. Rafael qui épousa Tamara dans la foulée du lycée et fit une brillante carrière politique. Rafael qu’on n’a plus revu depuis le réveillon du 31 décembre.
Les romans de la série Mario Conde sont décidément bien attachants. Après Les brumes du passé, j’ai eu l’impression de retrouver un vieil ami, dont les amis (El Flaco – le Maigre – qui fait plus de 100 kilos dans son fauteuil roulant ; El Conejo, et j’en passe) sont aussi nos amis. Ce premier opus nous les présente et du même coup nous montre d’où ils viennent, leurs parcours : les illusions de l’adolescence, les désillusions de l’âge adulte, dans un Cuba castriste qui, passée la ferveur révolutionnaire, s’est installé dans un communisme routinier et quelque peu castr…ateur (haha).
Où l’on comprend à quel point l’entrée de Mario dans la police est un accident de parcours. Il s’était bel et bien rêvé écrivain (bon sang mais c’est bien sûr !). Trop d’obstacles sur son chemin – sa participation à l’atelier d’écriture du lycée fut tuée dans l’oeuf (ses écrits jugés pas assez révolutionnaires), son orientation en fac de Lettres refusée, il fut recalé en psycho puis recruté par la police – contribuent à lui donner cet air d’inspecteur blasé et décalé qu’on lui connaît, amoureux des vieux troquets et des jolies femmes, soupirant après un « passé parfait ».
Tout n’était pourtant pas parfait dans ce passé, si on en croit les vexations subies par Mario et ses amis lors des camps de travail volontaire. On le voit aussi en joueur de base-ball de l’équipe du lycée, avec El Flaco, fervent supporter du sport national cubain. El Flaco fauché par une balle angolaise quelques années plus tard et définitivement handicapé. Enfin, l’amour platonique de Conde pour Tamara se voit ravivé par les interrogatoires qu’il doit mener avec elle. Parfois, le présent corrige le passé, et c’est tant mieux.
Ces souvenirs du personnage emblématique de la série doivent beaucoup, à mon avis, à ceux de l’auteur lui-même, qui a eu lui aussi 17 ans en 1972. Comment sinon avoir pu inventer un détail pareil : pour se fabriquer des pantalons « pattes d’eph », les jeunes Cubains de l’époque, qui n’avaient pas accès aux jeans américains, coupaient leurs pantalons au niveau du genou et recousaient la jambe à l’envers, pour avoir la partie la plus large en bas !
Une note douce-amère domine dès le départ cette série et lui donne le ton. Mais cela est contrebalancé par l’humour jubilatoire des dialogues, tout-à-fait croquignolesques en version originale puisqu’émaillés d’argot et de particularismes cubains.
Et l’intrigue policière, dans tout ça ? Je dois avouer que je l’ai trouvée tout-à-fait secondaire. Les magouilles politiques cubaines se caractérisent par leur contexte insulaire et coupé du monde extérieur, qui oblige les ambitieux à contourner le système par d’habiles stratagèmes de sociétés tierces pour faire du commerce à l’import-export. Mais j’ai bien plus savouré les portraits des personnages de cette petite comédie humaine cubaine, ainsi que les descriptions d’un La Havane venteux et déboussolé.
Ce billet participe au Mois Latino de Ingannmic et Goran.
« Pasado Perfecto » (1991), traduit en français sous le titre « Passé Parfait » (Métailié, 2000).
Se lancer dans la lecture – puis dans l’écriture d’un billet à propos – du Seigneur des Anneaux peut représenter une vraie gageure. Que dire de plus d’un monument de la fantasy qui a conquis un droit de cité inébranlable dans le coeur de millions de lecteurs depuis pas moins de 70 ans, et occupé des centaines, voire des milliers de critiques, d’analystes littéraires et de fans à le décortiquer ? Je me sens d’autant moins légitime que je ne lis pas de fantasy – à quelques rares exceptions près – et qu’il a bien fallu tout le charme tentateur de ma copinette lectrice pour me décider à me lancer moi aussi dans la lecture du chef-d’oeuvre de J.R.R.
Voire, oserais-je dire qu’avant je fuyais cet univers en pensant qu’il n’était pas fait pour moi ? trop de créatures bizarres dedans, trop de merveilleux, trop de tribulations rasoir faisant office de repoussoir… Bref mon a-priori négatif était aussi énorme que la réputation mythique de la trilogie.
Verdict ?
Eh bien premièrement, je confirme : il y a beaucoup de créatures bizarres dedans, beaucoup de merveilleux et beaucoup de tribulations. Mais, est-ce trop ? Ça dépend de quel point de vue on se place. Si on se place du point de vue du lecteur cartésien habitué à des intrigues carrées, aux page-turners, aux romans contemporains, oui, la quête de Frodon, Gandalf, Aragorn, Legolas et les autres peut sembler bien longue ; pire : sans but précis, autre que celui de se débarrasser on ne sait trop comment d’un anneau très encombrant dans l’antre d’un redoutable Seigneur des Ténèbres qui fait planer son ombre sur toute la Terre du Milieu. L’intrigue est linéaire et ressemble à celle, à rallonge, des romans de chevalerie du Moyen Âge. Interviennent tout un tas de personnages qu’on ne revoit plus forcément par la suite et surtout, des créatures qui ne sont pas décrites et que j’ai du mal à m’imaginer : genre, quid des orques franchement ? Moi je vois des gros poissons noir et blanc qui sautent à travers un cerceau dans une piscine, perso. Apparemment ce sont de redoutables monstres, mais je ne saurais dire s’ils ont des pattes ou s’ils volent. Heureusement mes quelques rares souvenirs du film de Peter Jackson me permettent d’imaginer assez bien l’elfe Legolas (coeur) ou ce vilain bouffon de Gollum. Quant à savoir se repérer dans le temps et l’espace inventés par Tolkien je tire mon chapeau à ceux qui y parviennent. J’ai renoncé assez vite pour ma part à situer précisément les lieux traversés par la communauté de l’anneau, que ce soit les Terres sauvages, les Monts brumeux, les Hauts de Galgal, la Forêt noire, l’Anduin, et même la Moria et la Lorien… tout se mélange un petit peu. De même pour les repères temporels : je n’ai même pas cherché à me rappeler en quelle année se place l’intrigue, ni les généalogies compliquées des différents rois déchus et disparus qui se sont succédés sur ces différentes terres.
Et pourtant, pourtant. Malgré les longueurs, les péripéties qui se suivent et se ressemblent, je me suis laissée envoûter par le charme de cette histoire. Il y a ce quelque chose d’intemporel, de mythique, de poétique qui m’a puissamment ensorcelée, a parlé à mon imaginaire, je ne sais trop comment le dire autrement. Ça tient sans doute aux paysages traversés, pleins de splendeur : ces forêts profondes aux arbres animés, ces prairies fleuries au pays des elfes (et leurs maisons construites dans les arbres), ces fleuves et ces chutes d’eau coulant au milieu des falaises, ces montagnes pierreuses et brumeuses… Mais il n’y a pas que ça : il y a aussi cette touche d’humour, que l’on retrouve notamment dans les conversations entre Hobbits, qui n’est vraiment pas désagréable ! Au plan symbolique, le fait qu’un maléfique instrument, symbole d’un pouvoir absolu et sans partage (l’Anneau) échoie à la créature la plus inoffensive et faible en apparence (un Hobbit) est d’une grande portée. Cela montre la force des faibles (très évangélique tout ça) et les limites de la toute-puissance. La mission reçue (contre son gré) par Frodon renverse complètement un système de valeur qui ferait primer la force brute, la domination, la loi de la jungle, et met en lumière une autre forme de force qui peut sembler parfois bien fragile, voire en péril : celle née de l’amitié, de la concorde, de la solidarité. Je comprends que le Seigneur des Anneaux ait pu être interprété de façon politique, car l’auteur montre la corruption engendrée par le pouvoir, y compris sur les meilleurs des êtres ; même Frodon n’est pas exempt de l’influence maléfique de l’Anneau, il est parfois tenté par les ténèbres. Certains de ses compagnons le convoitent aussi, dans un but sans doute altruiste (sauver une communauté face aux assauts de Sauron), mais l’Anneau fait ressortir leurs mauvais penchants, c’est-à-dire la tentation de tout faire par soi-même, par force. Ce que semble montrer l’auteur c’est qu’au contraire, seules la fraternité liant un petit groupe et l’innocence d’un coeur pur ne poursuivant pas de vaines ambitions peuvent l’emporter sur le mal. Cela suppose un chemin d’humilité, de sagesse, de dévouement. Bref, tout un tas de mots vachement à la mode (humour) mais qui me semblent très lumineux personnellement.
« J’ai souvent eu envie de voir un bout de magie comme on en raconte dans les vieux contes, mais je n’ai jamais entendu parler d’un meilleur pays que celui-ci. C’est comme d’être à la maison et en vacances en même temps, si vous me comprenez. Je n’ai pas envie de partir. »
(Sam Gamegie)
Alors oui, même si j’ai mis deux mois à lire ce premier tome (près de 700 pages tout de même), même si à certains moments j’ai été tentée d’arrêter, j’ai envie de rempiler pour le suivant : Les deux tours. Je ne sais pas trop où tout cela va m’emmener, sachant qu’il y a encore un troisième tome (l’été sera probablement fini quand je l’aurai terminé) mais je veux continuer à faire partie de l’épopée de Frodon Sacquet, me sentir un peu Hobbit moi aussi dans ce monde de brutes, mais si beau, qu’a créé Tolkien. Et enfin, je pourrai voir la trilogie cinématographique du Seigneur des Anneaux avec des yeux avertis (j’ai hâte).
(Concernant mon édition Folio Junior empruntée à la bibliothèque et datant des années 80, elle n’est pas si dégueulasse. Les illustrations de Philippe Munch en têtes de chapitre rendent bien l’atmosphère de l’histoire, même si les Hobbits sont dessinés comme des petits gros alors que j’avais plutôt le modèle fluet type Elijah Wood en tête. N’ayant pas lu la nouvelle traduction de Daniel Auzon, je ne peux me prononcer sur les avantages et désavantages de l’ancienne, mais maintenant que je me suis attachée à lire « Frodon Sacquet » ou « LA Comté », je pense que je ne pourrais me résoudre à les voir transformés en « Frodo Bessac » ou « LE Comté ». Sorry!)
Et ici, y a-t-il des fans du Seigneur des Anneaux ? Du livre, du film ?
« Le Seigneur des Anneaux I. La communauté de l’Anneau » de J.R.R. Tolkien, traduit de l’anglais par Francis Ledoux, illustrations de Philippe Munch, Christian Bourgeois éditeur, Folio Junior, 2000 (rééd.), 688 p.
Avec un titre aussi racoleur, je risque le procès pour publicité mensongère.
Non, je ne vais pas procéder à une comparaison fouillée entre ces deux chefs-d’oeuvre de la littérature d’aventures feuilletonesque du XIXe siècle. Tout simplement parce que les deux termes ne sont pas équilibrés : d’un côté, je viens enfin de terminer les 1600 pages du roman de Dumas, arrivant ainsi au bout d’une lecture qui m’aura bien tenu quatre mois tout de même (# team escargot) – de l’autre, j’ai écouté l’adaptation radiophonique de Vingt mille lieues sous les mers en une matinée sur France Culture.
Mais le confinement a ceci de bon qu’il me permet de mouliner sur à peu près tout et n’importe quoi. Alors pourquoi pas sur les similitudes entre deux célèbres héros de roman ? Pour un peu, si je me prenais pour Pierre Bayard et son « Tolstoïevski », je les fusionnerais tous les deux : le capitaine-comte de Monte-Nemo !
Parlons d’abord du Comte de Monte-Cristo. Je me demande bien comment j’ai pu louper cette lecture à l’adolescence alors que j’ai lu tant de fois Les trois Mousquetaires. Comme j’aurais suivi de grand coeur le panache blanc de la plume dumassienne dans ses mille et un détours romanesques ! Comme j’aurais vibré à l’incroyable destin d’Edmond Dantès ! Car Alexandre Dumas ne lésine pas avec son histoire de héros trahi qui prépare la vengeance du siècle, et je vais essayer de vous dire pourquoi sans tout dévoiler (en même temps, qui n’a jamais entendu parler de ce mythe de la littérature mondiale, hein ? Autant essayer de « spoiler » l’Iliade et l’Odyssée !)
Bon, trêve de points d’exclamation, revenons à Edmond : voici notre jeune marin marseillais ; il est pauvre mais un avenir radieux s’ouvre à lui, malgré les soubresauts politiques du moment (l’exil de Napoléon à l’île d’Elbe) ; méritant, aimé des siens, et surtout de la belle Mercédès, son excès de bonheur fait des envieux… Et paf ! au moment où il touchait le septième ciel, notre jeune premier est emprisonné du jour au lendemain dans un sombre cachot du sinistre château d’If, au large de Marseille. Tous ses espoirs d’en sortir se réduisant rapidement à néant, Dantès vire au héros de tragédie grecque plongé dans les enfers (en même temps, avec un nom pareil…). Devant le sort ignoble de cet innocent au coeur noble, qui expie la jalousie et l’ambition de trois sombres personnages, nous ne pouvons être que colère et compassion ! Mais au fond du gouffre, au bord de la mort, Edmond entrevoit une lueur de vie. Et cette lueur, c’est son voisin de cellule qui va la lui donner…
L’abbé Faria est un prêtre italien emprisonné pour ses opinions napoléoniennes depuis x années. Le personnel de la prison le prend pour un fou car il n’arrête pas d’évoquer un trésor fabuleux dont il serait le détenteur. On a ici le personnage du bon génie qui sort sa lampe magique pour illuminer la vie misérable d’Aladin, euh d’Edmond, et le lecteur avec. Cette lampe, c’est le savoir (tadam !). Faria est en effet un immense érudit, et il va occuper son temps libre à instruire son jeune protégé dans toutes les disciplines et langues connues.
« Voyons, dit Dantès, que m’apprenez-vous d’abord ? J’ai hâte de commencer, j’ai soif de science.
– Tout ! » dit l’abbé.
Edmond passe de l’abattement à l’émerveillement devant le savoir mais aussi l’ingéniosité de Faria qui sait détourner les maigres ressources à sa disposition pour en fabriquer les instruments dont il a besoin (notamment : plume, encre et papier). On est là dans le récit de survie, de débrouillardise jubilatoire.
Bref, tout ça est bien joli, mais à ce moment du récit nous n’en sommes toujours qu’à un quart du récit. On s’en doute, Dantès va finir par sortir de sa prison, les yeux dessillés sur les responsables de sa condamnation, et alors sa vengeance sera terrible ! implacable !! foudroyante !!! A ce moment-là, ami lecteur, on nage en pleine fébrilité, c’est qu’on a hâte de voir les moyens qu’il va employer pour se faire justice. Mais c’est sans compter sur l’art consommé du suspense de notre romancier. La vengeance… ne sera pas immédiate (et vous me rajouterez 500 pages de plus, s’il vous plaît !).
C’est que notre Edmond veut bâtir une stratégie de très longue haleine, destinée à infliger une forme de mort lente aux coupables, lui qui a vécu les affres d’un châtiment insensé pendant quatorze longues années. C’est ainsi qu’on le perd pendant un laps de dix ans et qu’on le retrouve lors d’un long détour à Rome, en compagnie de deux jeunes Parisiens en goguette, lui-même métamorphosé en personnage immensément riche, immensément mystérieux, un cosmopolite qui a beaucoup voyagé en Orient, navigué partout, tout vu, tout lu, tout expérimenté : le comte de Monte-Cristo… Toujours aussi beau avec ses longs cheveux noirs, mais le teint étrangement pâle et le regard fixe et brillant. Il fascine tout le monde, et d’aucuns le comparent avec Lord Ruthwen, le personnage de vampire créé par Lord Byron, très à la mode à cette époque. En tout cas il a bien changé, dur dur de reconnaître en ce personnage de légende le jeune marin naïf des débuts… La partie romaine du roman est d’ailleurs très pittoresque et convoque toute une galerie de personnages de bandits italiens et corses hauts en couleur. (On sent que Dumas rallonge la sauce pour les lecteurs du feuilleton !) L’origine de la fortune du comte n’est évidemment pas sans lien avec l’abbé Faria et une petite île perdue de Méditerranée… Cette fois on est dans le mythe d’Ali Baba et sa caverne…
« … croiriez-vous la réparation que vous accorde la société suffisante, parce que le fer de la guillotine a passé entre la base de l’occipital et les muscles trapèzes du meurtrier, et parce que celui qui vous a fait ressentir des années de souffrances morales a éprouvé quelques secondes de douleur physique ? »
Enfin, telle une araignée tissant lentement sa toile, Monte-Cristo arrive à Paris. Il se rapproche ainsi de ses cibles qui habitent tous trois dans la capitale française. Après leur forfait, ils ont tous trois fait fortune, se sont fait un nom respecté et une place à Paris. Ils se fréquentent toujours, au sein de la haute société parisienne. Monte-Cristo va rapidement tourner les têtes de tout ce beau monde qui l’accueille à bras ouvert, lui et sa fortune. La mise en place des rets qui vont progressivement étouffer les trois hommes est proprement jouissive, d’autant que le comte de Monte-Cristo s’arrange pour se faire valoir la reconnaissance éternelle de ses pires ennemis (qui ne l’ont pas reconnu évidemment), grâce à des subterfuges qui le font apparaître en sauveur. En tant que lecteur, on ne perçoit pas toujours le pourquoi du comment des actions du comte, qui nous décontenancent autant que les autres personnages, ce qui contribue à donner un petit côté « énigme à tiroirs » à l’ensemble.
Mais ce récit de vengeance mathématiquement menée serait fort sec s’il n’y avait tout un contexte très « chronique mondaine » pour lui donner des couleurs. On fait connaissance avec tout un cercle de personnages attachants, comme le quatuor de dandys qui entourent Albert de Morcerf et nous offrent des types variés de personnages parisiens sous la monarchie de Juillet (le secrétaire de ministre, le journaliste, le jeune noble, le capitaine de spahis revenant d’Algérie…). On a aussi une histoire d’amour qui s’ébauche sous nos yeux, une empoisonneuse, une princesse grecque de toute beauté, un Nubien muet et très fort au lasso, un vieil impotent qui joue une part non négligeable dans toute l’histoire, un enfant trouvé dans une fosse, un ancien forçat, une jeune fille romantique, une autre qui ne veut pas se marier et se rêve en artiste indépendante (un personnage proto-féministe !), un abbé italien qui se trouve toujours au bon endroit, au bon moment… et des fêtes, des réceptions, des soirées à l’opéra, un duel… Bref, comme le dit la quatrième de couverture, on est plongés dans le Paris de Balzac fourmillant et plein de vie.
Notre Chimborazzo, c’est Montmartre ; notre Himalaya, c’est le mont Valérien ; notre Grand-Désert, c’est la plaine de Grenelle…
Arrivé au sommet de son pouvoir sur les êtres, Monte-Cristo peut bien se prendre pour Dieu, ou du moins la main de Dieu, qui punit les méchants et récompense les bons. Le personnage en arrive à égaler la puissance créative de son auteur, et ce n’est pas peu dire, vu que Dumas de son côté n’hésite pas à user de tous les artifices littéraires pour garder son lecteur en haleine, depuis les scènes d’épouvante jusqu’aux dialogues comiques, en passant par les tableaux de genre.
Et pourtant l’accomplissement de la vengeance ne comble pas le comte (ah zut ! tout ça pour ça ?!)
Et je dois avouer pour ma part, qu’après tant de pages, la vengeance avait été tellement délayée que je ne la souhaitais plus tant que ça… Certes, j’avais eu mal pour Edmond au début, quand il avait été arraché des bras de sa belle ; certes, j’avais souffert de le voir partir, le coeur encore confiant de son bon droit, en direction du cachot où il était destiné à pourrir éternellement ; certes j’en voulais à mort à ses pouilleux de compagnons qui l’avaient trahi si bassement. Mais je ne l’ai pas tant reconnu sous les traits de l’homme qui commande d’un geste à ses domestiques et paie comptant le prix d’un hôtel des Champs-Élysées (plus quelques autres « pied-à-terre » pharaoniques), rachète une esclave à prix d’or à Constantinople et infléchit le cours de l’histoire en se targuant de fumeuses théories sur la justice. Pas plus que je ne faisais le lien entre un pauvre pécheur du port de Marseille et un généralissime pair de France, ou un commis de bateau et un baron de la finance. Finalement, le seul personnage à rester lui-même de A à Z c’est le procureur du roi, un être complexe pour lequel j’ai noué une sombre sympathie, d’autant qu’il m’a semblé être celui sur qui la justice « divine » de Monte-Cristo s’exerçait le plus durement.
« Pouvez-vous donc quelque chose contre la mort ? Êtes-vous plus qu’un homme ? Êtes-vous un ange ? Êtes-vous un Dieu ? »
À la fin le récit prend une tournure bien guimauve, mais en même temps il faut bien arriver à clore une histoire pareille, et quoi de mieux que de prôner l’amour après tant de haine ? Donc tout est bien qui finit à peu près bien pour les gentils, les personnages en demi-teinte embrassant un destin ouvert et non définitif. Monte-Cristo peut repartir voguer sur la mer le coeur en paix… en nous laissant un peu orphelins, il faut bien l’avouer, de tant de rebondissements rocambolesques (inspirés d’une histoire vraie qui semble plagier le roman).
Passons à Vingt milles lieues sous les mers de Jules Verne. Là encore, je regrette de ne l’avoir pas lu plus tôt, moi qui avais embarqué de bon coeur dans plusieurs opus des Voyages extraordinaires quand j’avais l’âge de vouloir faire le mur. Mais finalement, cela m’a permis de découvrir le superbe « concert-fiction » adapté du roman par Stéphane Michaka pour France Culture (le concert est désormais édité sous forme de livre-CD très joliment illustré, que vous pouvez feuilleter ici).
Sous les trémolos de l’Orchestre national de France, j’ai donc vaguement compris que le professeur Pierre Arronnax embarque dans le cuirassé Lincoln avec son domestique et un harponneur bourru, en quête d’un monstre marin qui déchire les coques des navires. Il penche pour l’hypothèse d’un narval. Après confrontation avec le monstre, il s’avère qu’il s’agit en fait d’un extraordinaire sous-marin. À ses commandes, le Capitaine Nemo, un être fascinant qui parle une langue inconnue avec ses hommes, dispose de tout ce qu’il lui faut pour vivre dans son sous-marin, parcourt les mers comme si c’était son jardin, et les retient tous trois prisonniers. À bord du Nautilus, Aronnax et ses compagnons vont vivre les aventures les plus extraordinaires, comme les excursions sur les planchers océaniques, le passage de l’Arabian Tunnel, la traversée de l’Antarctique ou l’attaque des poulpes géants… C’est superbe, ça ressemble à un space opéra des mers, et ça donne sacrément envie de plonger vingt mille lieues dans le livre !
J’en viens à ma comparaison entre le Comte de Monte-Cristo et le Capitaine Nemo (eh oui, moi aussi je fais patienter mes lecteurs !) Au-delà de la consonance de leurs noms, les deux hommes partagent plusieurs traits en commun.
Tout d’abord, tout simplement, le lien à la mer. Edmond Dantès est un marin de vocation, c’est la mer qui le sauve de sa captivité, sa fortune se trouve en son coeur, et sa transformation en Monte-Cristo ne l’empêche pas d’emprunter fréquemment la voie maritime sur son yacht chaque fois l’envie le prend de voyager (c’est-à-dire souvent). Nemo, lui, ne vit que par, pour, et littéralement dans la mer.
Au-delà du fait, il y a l’image de deux hommes « re-nés » par le passage dans les profondeurs, comme « Moïse sauvé des eaux ». Car tous les deux se trimballent de sacrés « cadavres » dans le sac-à-dos : le sombre passé de Monte-Cristo, on le connaît ; celui de Nemo ne nous est pas révélé, mais sa rancoeur à l’égard des terriens, son acharnement à couler certains navires croisant à proximité, son mode de vie autarcique, certaines tirades, nous montrent assez qu’il doit composer avec de lourds traumatismes.
« Monsieur le professeur, répliqua vivement le commandant, je ne suis pas ce que vous appelez un homme civilisé ! J’ai rompu avec la société tout entière pour des raisons que moi seul j’ai le droit d’apprécier. Je n’obéis donc point à ses règles, et je vous engage à ne jamais les invoquer devant moi ! »
« Tout ce qui ne tue pas nous rend plus fort » pourrait être la devise des deux hommes. Rescapés de terribles malheurs, ils ont résolu de maîtriser de bout en bout le moindre aspect de leur vie. Détenteurs de fabuleux trésors qui se trouvent toujours, comme par hasard, au fond de la mer (la grotte digne des milles et une nuits de Monte-Cristo : le Nautilus équipé de luxueux appareils, comme un orgue ou une bibliothèque garnie de milliers de volumes de Nemo), ils commandent en maîtres et ne dépendent de personne, pas même des plus hautes autorités. Doués d’une forme d’ubiquité extraordinaire, ils ont tout lu, tout vu du monde. Ce sont des êtres fascinants, capables d’infléchir le destin de tous ceux qui les croisent.
Bref, ce sont les surhommes que Nietzsche allait populariser quelques années après.
Et à votre avis, qui a dit ça, Nemo ou Monte-Cristo ? ⤵️
Je suis un de ces êtres exceptionnels, oui, monsieur, et je crois que, jusqu’à ce jour, aucun homme ne s’est trouvé dans une position semblable à la mienne. Les royaumes des rois sont limités, soit par des montagnes, soit par des rivières, soit par un changement de moeurs, soit par une mutation de langage. Mon royaume, à moi, est grand comme le monde, car je ne suis ni Italien, ni Français, ni Hindou, ni Américain, ni Espagnol : je suis cosmopolite.
Je ne peux pas terminer (enfin) ce billet sans vous renvoyer vers celle qui m’a inspiré ces deux lectures (la prof de français que j’aurais rêvé d’avoir au collège) : Le comte de Monte-Cristo et Vingt mille lieues sous les mers chez la petite marchande de prose 🙂
Le problème, quand on étale une lecture sur un an, c’est qu’une fois terminée, on en a oublié les détails du début. A fortiori quand il s’agit d’une écriture aussi touffue et sinueuse que celle de Proust. Si j’interroge ma mémoire, à la façon du narrateur de la Recherche, sans tricher (= sans regarder le résumé en fin d’ouvrage), la première partie du côté de Guermantes m’apparaît comme l’effort désespéré du héros d’attirer l’attention de la duchesse de Guermantes depuis l’instant inouï où elle lui a souri du haut de sa loge d’opéra (or ses parents louent un appartement dans l’hôtel particulier des Guermantes, les mêmes qui ont leur seigneurie de « l’autre côté » de Combray – par rapport à Swann -, haut lieu des vacances du narrateur dans le premier tome).
… je me disais que si j’avais été reçu chez Mme de Guermantes, si j’étais de ses amis, si je pénétrais dans son existence, je connaîtrais ce que sous son enveloppe orangée et brillante son nom enfermait réellement, objectivement…
Après Gilberte et Mme Swann, après Albertine, on a l’impression qu’à chaque nouveau « crush » amoureux, il monte plus haut dans l’échelle sociale. Les Guermantes, c’est la grande famille d’aristocrates imbus d’eux-mêmes, considérant tous ceux qui ne font pas partie du cercle très fermé du « faubourg Saint-Germain » comme du vil peuple. Notre jeune narrateur est donc tout déconfit de ne pas réussir à entrer dans l’intimité de la belle duchesse malgré tous ses efforts (tous les jours, il se poste sur l’itinéraire de sa promenade pour être salué d’elle – le lourd !), d’autant qu’il est familier de certains membres de sa famille, comme Robert de Saint-Loup, la marquise de Villeparisis, et même le baron de Charlus. C’est d’ailleurs lors d’une matinée chez Mme de Villeparisis que le narrateur approche un peu plus la duchesse, se fâche avec Saint-Loup, et se fait approcher d’une bien étrange façon par Charlus.
« Mais si » dit-elle avec un demi-rire que les restes de la mauvaise humeur jouée réprimaient, « tout le monde sait ça, un plumitif c’est un écrivain, c’est quelqu’un qui tient une plume. Mais c’est une horreur de mot. C’est à vous faire tomber vos dents de sagesse. »
Au fur et à mesure qu’il entre dans « le monde », le narrateur commence à perdre ses illusions, ce qui fait de la Recherche un texte de plus en plus cynique : l’amour n’est pas absolu, un duc peut s’exprimer plus mal qu’un cocher, un prince ressembler à un « concierge alsacien » et une dame usurper un nom de famille. Les noms et les choses ne concordent pas forcément, et toute la rêverie poétique du narrateur autour du nom de Guermantes, beau comme un vitrail armorié de la vieille église de Combray (qu’il voit orangé et moi vert-menthe), doit s’incliner devant une réalité plus prosaïque, donc forcément décevante.
Nous travaillons à tout moment à donner sa forme à notre vie, mais en copiant malgré nous comme un dessin les traits de la personne que nous sommes et non de celle qu’il nous serait agréable d’être.
Il n’y a qu’avec Charlus que le narrateur garde encore sa naïveté. Il ne perçoit pas le sous-texte de son attitude alambiquée, qui oscille entre une arrogance démesurée, un souci extrême du regard des autres et une familiarité parfois presque obscène. Si le lecteur est au courant des « tendances » (cachées) de Charlus, le décalage entre l’innocence du narrateur, les non-dits de son entourage et le double sens de certaines affirmations de Charlus a de quoi faire sourire.
Toute la scène mondaine chez Mme de Villeparisis est d’ailleurs remplie d’humour (et tant mieux, parce qu’elle est bien longue), mais d’un humour qui tourne vite au grinçant. Et ça, ça tient au contexte délétère de cette fin de siècle. La plupart des références politiques et culturelles de l’époque me sont passées au-dessus, mais celle qui est centrale, l’affaire Dreyfus (l’Affaire, comme on aurait dit), m’a particulièrement marquée. Je ne suis pas en général prompte à me scandaliser, et pourtant, à plus d’un siècle de distance, l’attitude de la coterie Guermantes à l’égard des juifs, matérialisée par le mépris ouvert que suscite Bloch, camarade juif du narrateur, m’a paru singulièrement abjecte. Le seul à relever l’honneur si l’on peut dire, c’est Saint-Loup, ardent dreyfusard, mais on peut supposer qu’il prend le contre-pied de sa famille par pur esprit de contradiction. Bref, on sent ici le vécu personnel de l’auteur à l’égard de l’antisémitisme qu’il a pu croiser maintes fois dans la « bonne » société.
« Vous n’avez pas tort, si vous voulez vous instruire, me dit M. de Charlus après m’avoir posé ces questions sur Bloch, d’avoir parmi vos amis quelques étrangers. » Je répondis que Bloch était français. « Ah ! dit M. de Charlus, j’avais cru qu’il était juif. »
Mais il y a aussi de très belles pages dans le Côté de Guermantes, profondes et justes, de cette finesse et de cette densité qui me fascinaient tant dans « Combray », la première partie du premier tome. J’ai aimé toutes ses réflexions sur les sensations, comme le son et l’absence de son, ou les « auras » de certaines personnes, mais aussi sur le sommeil, sur la dissociation entre l’espace et le temps provoquée par le téléphone. On retrouve toute l’ambiance intellectuelle de l’époque, Einstein, Bergson, Freud (même s’ils ne sont pas cités nommément – mais Charcot l’est).
Il en est du sommeil comme de la perception du monde extérieur. Il suffit d’une modification dans nos habitudes pour le rendre poétique…
Symbole du vert paradis de l’enfance, la chère grand-mère du narrateur a sa première « petite attaque » à la toute fin de ce tome, et ne va pas tarder à tirer sa révérence. Mais elle finit en beauté en comparant la « dame pipi » du bois de Boulogne qui trie ses « clients » à la société des « Guermantes et petit noyau Verdurin », tout en citant Molière et Mme de Sévigné. Et ça, c’est du grand art !
Voilà, je n’ai pas poursuivi sur la seconde partie du roman car j’avais envie de passer à autre chose, mais je sais bien que prochainement, l’envie me reprendra de lire Proust (une vraie drogue).
Et les autres, ils en pensent quoi ?
C’est un excellent tome pour Red Blue Moon, le livre du désenchantement pour La vie errante, un épisode addictif comme celui d’une série malgré ses lenteurs selon Le Colibri, un roman passionnant pour F., et Keisha l’a relu. (Je me rends compte à ce propos que je ne suis pas la seule à lire un tome de la Recherche par an, et cela me fait plaisir d’appartenir à cette petite secte de proustomanes invisibles) (bon c’est pas le petit noyau Verdurin ni le salon des Guermantes, mais c’est mieux !).
« Le côté de Guermantes » de Marcel Proust, préface de Thierry Laget, Folio Classiques, 2003 (1ère édition 1920), 765 p.