Ce que bloguer veut dire

Sous ce titre un peu pompeux, j’ai eu envie de faire le point sur deux ans et demi de blog, ponctués de silences plus ou moins longs.

Afficher l'image d'origine
(c) boulevardmacaron.canalblog.com

Bloguer a d’abord signifié pour moi jeter à la face du monde les sentiments provoqués par la lecture de certains livres. C’était comme le prolongement d’un journal que je n’ai jamais réussi à tenir de façon régulière, pimenté par la satisfaction d’être lue d’autres lecteurs. Satisfaction vite déçue quand j’ai constaté le peu de commentaires que je recevais. Ce que je n’avais pas compris, c’est que pour être lue, il faut partager, c’est-à-dire très simplement : se rendre sur d’autres blogs avec lesquels on se sent des affinités et commenter leurs billets de façon constructive et ouverte, car les plus grands commentateurs sont eux aussi des blogueurs. De là se déploie toute une gamme de partages subsidiaires qui se sont dévoilés petit à petit à la blogueuse néophyte et éblouie que j’étais : participer à des challenges*, des « mois »*, des « LC »*, court-circuiter le temps long du blog par l’instantané des réseaux sociaux (essentiellement Facebook pour ma part, et encore – je n’ai jamais réussi à accrocher avec Twitter que j’ai d’ailleurs peu à peu abandonné – quant à Instagram je l’utilise de manière essentiellement privée) (Pssst ! Si vous voulez « liker » ma page Facebook c’est là !!).

Je ne peux pas dire que je me sente faire partie d’une « communauté » quelconque, pas de manière active en tout cas, ni de manière très personnelle. Je n’ai rencontré aucune blogueuse IRL (le masculin n’étant pas dominant dans la blogosphère littéraire) ni participé à des rencontres dédiées. Je n’ai jamais participé à des « swap »*. Ma seule participation aux matchs de PriceMinister s’est soldée par un échec et je n’ai pas (encore) tenté de gagner des livres gratuitement auprès des maisons d’édition (les SP*, ces attrape-polémiques, ont été une totale découverte pour moi et je suis toujours vaguement respectueuse de ceux qui en reçoivent même si je m’en passe fort bien). J’échange très rarement de manière privée avec des blogueuses. J’ai quand même rencontré des blogs passionnants et passionnés que j’imagine être à l’image de leurs propriétaires, que je lis très régulièrement, avec qui j’échange des commentaires sur nos blogs respectifs ou sur Facebook. Avec eux je me sens la liberté d’être une lectrice vorace, à l’affût des perles, et ne dédaignant pas discuter le mérite de tel ou tel auteur ou porter au nues le(s) livre(s) fétiche(s). Voici le principal apport du « blogging » dans ma vie : parler librement de livres, ce qui n’est finalement pas toujours simple en société. J’ai toujours la sensation d’apparaître comme la fille un peu guindée quand je me mets à évoquer les livres que j’aime, et que je reçois pour tout retour un sourire ou un « mmh » poli. Sur les blogs, point de complexes : on est là pour ça !

nb_actor
La lecture, une activité essentiellement solitaire et génératrice de positions farfelues. (c) Alfred Eisenstaedt pour Life, 1953.

Qui dit blog littéraire, dit d’abord découverte d’un jargon propre, souvent composé d’acronymes : pour cela je vous renvoie à mon petit dico pour non-initiés à la fin de ce billet ! On découvre que toute blogueuse digne de ce nom possède une PAL* longue comme les deux bras (voire les deux jambes) qui la fait à la fois souffrir et saliver d’anticipation, que la participation à un challenge (encore mieux : l’organisation d’un challenge) est le gage de rencontrer plus de lecteurs autour d’une passion commune (et parfois il faut le dire : « rentrer du lien » et accroître ses statistiques !) et qu’à force de parler de livres, on parle aussi forcément un peu de soi.

Au fur et à mesure de mon immersion, et tandis que de nouveaux blogs intégraient sans cesse la liste de mes favoris, la blogosphère (littéraire, mais pas que) m’est apparue comme une cour de récré colorée, avec ses personnalités populaires, ses discrets, ses fidèles, ceux qui font l’école buissonnière (= font des pauses), ceux qui sont toujours en tête des classements, et puis ses rebelles qui vont à rebours du vent dominant 😉 … Ou pour faire plus savant, c’est un champ social selon la définition bourdieusienne, avec ses pôles dominants, ses électrons libres, etc… Mais évidemment chaque blog est unique, et ne se réduit pas à mes petites catégories !

La question que je me suis posée dernièrement (et qui est à l’origine de cette longue logorrhée) est celle-ci : qu’est-ce que le fait de bloguer et de lire des blogs a changé dans mes habitudes de lecture elles-mêmes ?

L’influence la plus évidente pour moi est la découverte de nouveaux auteurs, et avec elle, la littérature m’apparaît de jour en jour comme un vaste champ des possibles aux frontières presque illimitées (ma LAL* atteint désormais la taille respectable de trois pages Word).

tomber-d-une-pile-de-livre
Le lecteur face au champ infini de la littérature. (c) plkdenoetique.com

C’est grâce aux blogs que j’ai découvert Niccolo Ammaniti, Antoine Bello, Jaume Cabré, Jeffrey Eugenides, Susan Fletcher, Marlen Haushofer, Laura Kasischke, Ian McEwan, Marisha Pessl, Léonor de Recondo, Thomas Reverdy, Natasha Solomons et j’en passe… Quand j’étais enfant et ado, je lisais ce que je trouvais dans les bibliothèques à ma disposition, soit beaucoup de « bibliothèque rose » puis « verte », d’école des loisirs et de classiques. Quand je suis devenue adulte, j’avais quelques auteurs fétiches, notamment Robert Merle et des auteurs latino-américains (dus à mon exil mexicain). Je lisais très peu d’auteurs contemporains, à part Amélie Nothomb et quelques autres, d’une part par manque de moyens, mais aussi et surtout par instinctive méfiance (peur d’être déçue ? peur de la nouveauté ?). Je crois que la polémique sur le plagiat qui avait éclaté à l’époque entre Marie Darrieussecq et Camille Laurens m’avait complètement refroidie par rapport à la fiabilité de la littérature contemporaine (française à tout le moins) et m’avait vaccinée contre l’autofiction (j’en subis encore les effets 😉 ). Cela a bien-sûr changé, surtout depuis que des blogs ont su instiller en moi l’attrait tentateur de la nouveauté (au détriment, du coup, des classiques) mais aussi me faire découvrir d’authentiques coups de cœur. De manière générale, j’ai remarqué que je lis aussi plus d’auteurs féminins qu’auparavant (j’étais restée cantonnée à quelques incontournables). Bref, j’ai révisé un certain nombre de mes préjugés contre les auteurs contemporains. A côté de ça, la fiction a pris une grande place dans mes lectures, au détriment des essais, de la non-fiction en général, même si je lis toujours beaucoup de bouquins d’histoire pour mon travail (et mon plaisir bien-sûr). Je lis aussi moins de poésie. En fait, mes habitudes de lecture sont devenues un petit peu moins insouciantes, et tout ça c’est un peu la faute des…

… CHALLENGES ! dont l’effet le plus certain est d’entraîner une certaine « boulimie » de lectures. Il m’est arrivé de lire des livres « par obligation » (un peu comme les livres qui étaient au programme des cours de français au collège et au lycée) dont certains m’ont plu d’ailleurs, mais au détriment d’une certaine liberté, d’une certaine flânerie chère aux amoureux de la littérature. Il faut reconnaître qu’il y a une certaine gratification à faire des listes, compter le nombre de livres « tenus » sur ceux qui étaient prévus, évaluer ses performances… D’autre part les challenges installent une sorte de discipline utile quand on veut s’attaquer à des œuvres exigeantes, ou, en nous focalisant sur un thème précis, permettent de creuser un peu un sujet. Et j’aime tellement voir ce que les autres ont lu ! Surtout quand ils ont lu les mêmes livres/auteurs que moi. En fait, tout dépend de l’esprit du challenge et de la personnalité de l’organisateur : la convivialité, l’esprit bon enfant et l’émulation font le succès de certains challenges. J’ai un petit faible pour les « mois » consacrés à la littérature d’un pays. Mais je me lasse parfois d’un certain esprit scolaire et compétitif qui guette l’amateur de challenge.

J’ai aussi réalisé que les livres n’étaient pas une manne spirituelle tombée du ciel (ou pas que), mais qu’ils supposaient toute une « infrastructure » : auteur suant sur son papier ou devant son écran, maison d’édition peaufinant ses choix éditoriaux et ses stratégies promotionnelles, librairies de toutes tailles, événementiel, jurys de prix littéraire, communication dans les médias (dont les blogs font partie !), etc. Je ne lis plus de façon aussi innocente qu’avant, même si je suis assez loin de distinguer entre elles toutes les maisons d’édition, même si les rencontres avec des écrivains en chair et en os ne m’intéressent guère, même si de toutes façons les stratégies promotionnelles à coup de gros panneaux dans le métro me font plutôt fuir qu’autre chose. Je butine beaucoup et mes choix de lecture obéissent à des facteurs aussi divers que variés, de la beauté d’une couverture à la voix tentatrice d’un billet de blog, en passant par une réminiscence de jeunesse, une « obligation » ressentie envers certains classiques, ou la trouvaille de livres abandonnés dans la rue (ils me font tellement pitié, j’ai tellement l’impression qu’ils me crient « adopte-moi ! » que je les embarque presque systématiquement…). Bref, je ne suis pas encore une grande consommatrice de nouveautés de la rentrée littéraire en cours (plutôt de celles d’il y a trois, quatre ou dix ans) mais je travaille mon pedigree de lectrice dans le vent.

En revanche, il y a une activité qui m’attire de plus en plus, et que j’ai découvert grâce à certains blogs : participer à un juré d’un prix de lecteurs ! Non pas forcément pour recevoir des livres gratuitement (même si j’imagine que ça doit être fort gratifiant) mais pour le plaisir d’échanger avec d’autres lecteurs sur des livres lus en commun, le plaisir de n’être pas forcément d’accord ou d’avoir les mêmes coups de cœur, le plaisir de classer ses lectures, le plaisir de croiser les doigts pour la victoire d’un chouchou…

Et tant qu’à parler de livres, j’aimerais aborder cet aspect dont on ne parle pas beaucoup : les blogs sont aussi des productions littéraires, et le plaisir ressenti à l’écriture d’un billet en est une démonstration. Oh d’accord, il y a à boire et à manger dans la blogo, et il n’est pas question de mettre sur le même pied la grande littérature (mettez ce que vous voulez derrière ce terme) et les productions démocratisées et multipliées à l’extrême par la toile. D’accord on ne s’attend pas à une reconnaissance publique de notre « oeuvre », même quand on passe du temps sur l’écriture de chaque billet et quand bien même certains blogs attirent des milliers de lecteurs. N’empêche que, sans me prendre pour la nouvelle Françoise Giroud, bloguer me permet d’apprendre à ramasser mon propos, de façon à le rendre piquant, si possible intéressant. Question style, j’hésite toujours entre la familiarité et un langage plus châtié, mais la donnée qui change par rapport à d’autres productions écrites, c’est évidemment la possibilité d’entrer en contact direct avec mes lecteurs… D’où la fringale de commentaires, et la joie – disproportionnée ? – quand ceux-ci arrivent ! (Comment, moi, mendier des commentaires ?? Noooooon !)

* Petit lexique du blogueur littéraire

  • Challenge : comme son nom l’indique, il s’agit de se fixer un défi, le plus souvent dans un cadre communautaire. L’organisateur du challenge fixe une ou plusieurs règles de participation en termes de quantité, de durée, de genres, et surtout il fixe une ligne directrice. Elle peut tourner autour d’un genre particulier (ex. le polar), d’un pays (ex. les auteurs italiens), d’un thème (ex. les arts dans la littérature). Mais cela peut aussi concerner tous les livres qui ont reçu un prix littéraire, les livres de plus de 1000 pages, les livres adaptés au cinéma, les livres tirés de sa PAL… L’imagination est sans limite ! Il y a aussi des challenges plus subjectifs : le challenge myself de Romanza dont on choisit soi-même la ligne directrice, le « non-challenge » des pépites de l’année de Galéa… Certains organisateurs fixent des conditions drastiques, d’autres sont beaucoup plus cools (ce sont ceux que je préfère – même si l’idée d’un « classement » des meilleurs participants titille toujours ma fibre de bonne élève – j’ai l’impression que la tendance générale va vers le « moins de règles possibles »)
  • LAL : pour « livres à lire ». C’est la liste de tous les rêves et de tous les possibles : « un jour je lirai tel et tel et tel livre… ». Par principe, une LAL tend plus vers l’infini que vers zéro, car pour un livre qui sort de la LAL, trois autres y entrent !
  • LC : acronyme de « lecture commune ». Quand deux ou trois blogueurs (ou plus !) lisent le même livre et publient le billet qui lui est consacré le même jour. Très sympathique pour renforcer des liens personnels et constater combien un même livre peut être envisagé différemment selon les sensibilités. Le blogoclub étend ce principe et fixe un rdv autour d’un auteur ou d’un titre particulier tous les trois mois (1er mars, 1er juin, 1er septembre…).
  • Mois thématiques : généralement consacrés à un pays (le plus connu – et couru ! – étant le mois anglais en juin, mais il y a aussi le mois américain en septembre, le mois québécois quelque part en automne, le mois écossais en décembre, le mois belge en avril, le mois italien je ne sais plus quand…). Peuvent se considérer comme une sous-catégorie des challenges. J’aime beaucoup ce format ramassé et dennnssse ! A l’intérieur des « mois », des dates spéciales sont souvent retenues pour des LC* (que je rate systématiquement).
  • PAL : pour « pile à lire » (pile… de livres bien entendu). Se dit de ces livres que l’on possède dans sa bibliothèque et que l’on n’a toujours pas lus. La PAL a tendance à enfler proportionnellement au temps passé à lire des blogs littéraires.
  • SP : Attention terrain miné ! SP pour les fameux et obscurs Services Presse 😉 . Se dit des livres adressés gratuitement par des maisons d’édition à des blogueurs, pour qu’ils les lisent et en parlent sur leurs blogs. La polémique porte notamment sur le degré d’honnêteté des blogueurs recevant des SP, accusés d’être « achetés » par les maisons d’édition. George fait le point sur cette polémique ici.
  • SWAP : Je ne connais même pas la signification de l’acronyme, si quelqu’un peut me renseigner ! Se dit de ces petits échanges de cadeaux par la poste entre blogueuses où chacune envoie et reçoit généralement des friandises, des marque pages, des sachets de thé, des cartes postales… et des livres bien-sûr ! Doux plaisirs légèrement régressifs 😉
eve_arnold_1955_ulysses
Qui a dit que les blogueuses littéraires étaient moins sexy que les blogueuses mode ?! (c) Eve Arnold, 1955

Une fantaisie thermale d’Edmond Rostand

Sur la route qui mène à Cambo-les-bains au pays basque, un virage contourne une petite éminence boisée. Vous la repérerez grâce à une ferme basque (peut-être apercevrez-vous son propriétaire chenu) qui marque le départ d’une allée bifurquant de l’autre côté de la route. Serpentant entre les arbres cette allée dévoile peu à peu une grande façade blanche, large comme trois frontons de pelote basque et striée de poutres rouges. C’est la Villa Arnaga. Bienvenue chez Edmond Rostand !

villa arnaga

En 1901, l’auteur de Cyrano s’est vu prescrire une cure thermale à Cambo pour soigner ses bronches. Charmé par la douceur du pays basque, il décide de s’y installer. Voyant les choses en grand après ses récents succès parisiens (au théâtre comme à l’Académie), il y fait construire une villa fantaisiste mais disposant de tout le confort moderne, de style basque à l’extérieur, mais complètement Art Nouveau à l’intérieur.

Toi qui viens partager notre lumière blonde
Et t’asseoir au festin des horizons changeants,
N’entre qu’avec ton cœur, n’apporte rien du monde
Et ne raconte pas ce que disent les gens.

Dûment averti par le quatrain qui orne la porte d’entrée, on y pénètre par un des côtés. Immédiatement nous sommes introduits dans l’élégant vestibule dallé de noir et de blanc. Un escalier en éventail nous invite aux étages supérieurs tandis qu’une grande porte devant nous mène au salon, une vraie salle de bal, largement ouverte des deux côtés sur le jardin à la française au sud (« notre petit Versailles à nous » me glisse mon accompagnatrice) et sur un jardin anglais au nord. Deux ambiances pour une salle dédiée à l’art : des fresques ornent les murs en hauteur, représentant le poème de « La fête chez Thérèse » de Victor Hugo. Un piano à queue trône, seul, au milieu de la pièce, cadeau du compositeur Jules Massenet à Rosemonde, la femme d’Edmond Rostand.

arnaga1

Par une porte en fer forgé, surmontée d’une galerie qui mène directement aux appartements du maître de céans, nous pénétrons dans la bibliothèque : petite pièce bordée de livres, de fresques de nymphe paresseuses et de banquettes moelleuses invitant au plaisir de la lecture.

arnaga

Enfin montons. La pièce la plus intéressante pour le visiteur est la salle de bain d’Edmond ! Conçue pour ses séances d’hydrothérapie, elle est spacieuse, entièrement carrelée et dotée des fournitures dernier cri de la Belle Epoque : douche réglable (selon la puissance du jet et sa surface), chauffe-bain électrique, table de massage (ayant appartenu à Sarah Bernhardt), robinetterie d’eau chaude et d’eau froide…

villa-arnaga

Ensuite une enfilade de pièces nous conduit de la chambre d’Edmond à la chambre de Rosemonde en passant par la chambre et la salle de jeu des enfants (ils étaient deux : Maurice et Jean). Toutes donnent sur les carrés bien ordonnés du jardin et son petit canal. La scénographie du jardin est complétée par une colonnade en arrière-plan qui sert de marchepied pour les montagnes, petites et bleues, à l’horizon. Un parfait décor de théâtre pour la scène de déclaration d’amour de Cyrano à Roxane !

Derrière la romantique colonnade se trouve… une superbe basse-cour de poules ! Voulue par Edmond, elle lui a servi d’inspiration pour sa fable animalière, Chantecler, composée à Arnaga. Mais revenons à l’étage. Parmi les pièces donnant sur le nord se trouve le bureau du secrétaire d’Edmond, entièrement recouvert de boiseries, et le boudoir de Madame, véritable ode à la fantaisie des contes de fée et s’ornant d’une curieuse pendule avec 14 heures, oeuvre du père de Boris Vian !

arnaga

Si vous avez la chance comme moi de visiter Arnaga pendant le petit festival musical et littéraire, vous pourrez goûter de façon évanescente à cette vie dédiée à l’art des époux Rostand, en entendant déclamer des vers d’Edmond et Rosemonde dans la grange ou écouter des airs de la Belle Epoque (que du bon : Satie, Debussy, Granados…) joués au piano par Lutxi Nesprias, une jeune prodige basque.

Les époux Rostand
Les époux Rostand

Je vous laisse avec ce poème d’Edmond, qui vaut toutes les vidéos de chats d’internet 😉

Le petit chat de l'Olympia d'Edouard Manet
Le petit chat d’Edouard Manet

C’est un petit chat noir effronté comme un page,
Je le laisse jouer sur ma table souvent.
Quelquefois il s’assied sans faire de tapage,
On dirait un joli presse-papier vivant.

Rien en lui, pas un poil de son velours ne bouge ;
Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,
A ces minets tirant leur langue de drap rouge,
Qu’on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.

Quand il s’amuse, il est extrêmement comique,
Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet.
Souvent je m’accroupis pour suivre sa mimique
Quand on met devant lui la soucoupe de lait.

Tout d’abord de son nez délicat il le flaire,
La frôle, puis, à coups de langue très petits,
Il le happe ; et dès lors il est à son affaire
Et l’on entend, pendant qu’il boit, un clapotis.

Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
Et ne relève enfin son joli museau plat
Que lorsqu’il a passé sa langue rêche et rose
Partout, bien proprement débarbouillé le plat.

Alors il se pourlèche un moment les moustaches,
Avec l’air étonné d’avoir déjà fini.
Et comme il s’aperçoit qu’il s’est fait quelques taches,
Il se lisse à nouveau, lustre son poil terni.

Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates ;
Il les ferme à demi, parfois, en reniflant,
Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.