C’est sur le blog de Florence que j’avais repéré Pandemia de Franck Thilliez et je l’avais noté en raison de son sujet, que je croyais être la « deep ecology », ce courant écologiste pour qui résoudre les atteintes à l’environnement revient à virer l’homme de la terre. Eh bien je n’y étais pas du tout ! Alors certes, c’est l’histoire d’un virus de la grippe inconnu qu’un malade a disséminé *quelque part* dans Paris, et qui prend très vite des proportions alarmantes, certes une menace pèse sur l’humanité, mais cela n’a rien à voir avec un quelconque souci écologiste. Me replongeant sans le faire exprès dans des histoires de grippe après l’excellent Station Eleven, j’ai pris cher en chair de poule ! (Mais Florence, comment fais-tu pour en parler de façon tellement détendue ??) Chochotte que je suis, je ne suis pas habituée à lire des polars aussi noirs, flirtant plus qu’un peu avec les codes du film d’horreur (un genre que je ne regarde jamais, au grand jamais, sous peine de ne plus dormir huit jours d’affilée, ce que je ne peux pas me permettre en ce moment). Je l’ai quand même lu jusqu’au bout car forcément, j’avais envie de connaître le fin mot de l’histoire et voir ces pauvres flics, Franck Sharko et toute l’équipe, triompher enfin de « l’Homme en noir », le mal personnifié qui envoie des lettres écrites sur de la peau humaine et n’hésite pas à recourir aux pires sévices pour parvenir à ses fins. L’auteur s’est très bien documenté sur le Groupement d’intervention microbiologique (GIM), une sorte de « GIGN des microbes » comme le dit je crois l’un des personnages, qui existe vraiment, ainsi que sur le monde de la recherche à l’Institut Pasteur. On le sent sérieux et travailleur, ce Franck Thilliez, et même gentil, mais où va-t-il chercher toutes ces scènes d’horreur ? La comparaison entre l’enfer, les abysses, le darknet, l’apocalypse est pertinente, mais ça fait un peu satanisme de pacotille quand j’y songe maintenant, une semaine après avoir terminé ledit bouquin. On découvre à cet égard tout un tas de lieux souterrains, tous plus glauques les uns que les autres (vous n’avez pas envie de savoir à quoi les égouts de Paris ressemblent vraiment, non non, je vous assure). Mais même au grand air, il fait un peu trop gris et moche dans le Paris de Thilliez qui ressemble beaucoup à celui de Baudelaire :
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D’une vaste prison imite les barreaux,
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
– Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Voilà, vous avez Pandemia en condensé et en plus poétique !
(Mais je ne suis pas niaise, je comprends l’intention, la saison des lilas aurait fait tâche dans un monde aussi nocturne). Les « bons » du roman ont du mérite de tenir le coup dans un tel univers !
Bref, un polar haletant, bien sanguinolent et qui ravira les amateurs du genre. Mais moi je préfère ne pas trop me farcir la tête avec l’idée que des tarés disposent de tellement d’outils (et de gens faibles) pour accomplir leurs sombres desseins…
« Pandemia » de Franck Thilliez, Fleuve Editions, collection fleuve noir, Paris, juin 2015, 645 p.
Ben punaise, t’es dans une thématique plutôt noire en ce moment (et sans trop le vouloir en plus) ! J’avoue que ce n’est pas le genre de sujet qui m’attire en ce moment. Il fait suffisamment gris dehors comme ça, je n’éprouve pas le besoin d’en rajouter en ce début d’automne :p
Je devrais plutôt lire la littérature fantastique du XIXe, ça a l’air plus amusant, renversant, ambigu… !
C’est vrai qu’il en faut beaucoup pour m’émouvoir en littérature car étrangement, je fais une grande différence entre la réalité et la fiction, même quand cette dernière est tout à fait crédible (de la même façon, je ne pleure jamais au cinéma devant un film, mais je peux pleurer devant un documentaire). Donc, j’ai rarement peur en lisant des polars, alors que dans la vie je suis plutôt peureuse. Au contraire même, je dirais que je me soigne en lisant des polars car ils me permettent de détourner mes peurs de leur objet… Cela dit, il est vrai que « Pandemia » est très noir et évoque des crimes odieux, et l’on peut en effet s’interroger sur la « santé mentale » de l’auteur (j’exagère un peu) mais je dois dire qu’en même temps, je suis assez admirative devant ce type d’imagination ! Reste à espérer que des tarés n’aient pas l’idée de mettre ce genre de choses en pratique. En tout cas, désolée que tu aies eu la chair de poule ! Et ravie aussi que tu aies autant aimé « Station eleven » que je trouve, comme toi, excellent !
Je te souhaite quand même une bonne nuit 🙂 …
Ce en quoi – ne pas s’émouvoir excessivement d’une fiction – tu as tout-à-fait raison ! Pour ma part, je réagis de façon contrastée : la littérature peut avoir un effet cathartique chez moi, assez souvent j’arrive à rester à distance, en revanche certaines œuvres, je ne sais pourquoi, me touchent particulièrement d’une façon ou d’une autre (la première fois que j’ai pleuré devant un film c’était à 19 ans devant « les 400 coups » de Truffaut). Dans Pandemia, c’est simplement que la description chirurgicale de certaines situations dantesques m’ont soulevé le coeur 😉
Rien qu’à lire ta description, je me bouchais les oreilles (et non pas les yeux, je sais, c’est curieux), comme devant une bande-annonce de film d’horreur… ) Du coup, même si ce n’est vraiment pas pour moi, je note!
Haha je suis comme toi 🙂