Catherine Cusset, Le problème avec Jane

Une première pour moi que la lecture d’une oeuvre de cette romancière. Comme Galéa en parle avec enthousiasme, j’ai eu envie de découvrir cette écrivaine française contemporaine.

En fait d’écrivaine française, nous sommes introduits au personnage principal de curieuse façon. Jane est une jeune universitaire américaine spécialiste de Flaubert. Elle découvre un matin un paquet arrivé pour elle. A l’intérieur, un manuscrit dont les premiers mots la concernent puisqu’il est intitulé « Le problème avec Jane ». Cela se confirme avec les chapitres suivants : ce manuscrit anonyme a bien pour objet elle-même, car ils retracent son parcours depuis son arrivée à l’université de Devayne en tant que jeune professeur, ses déboires avec les hommes et ses collègues, ses difficultés à faire reconnaître ses mérites académiques, ses désirs pas toujours suivis d’effets. Le manuscrit s’achève avec cette phrase : « En bas elle trouva le paquet avec le manuscrit ».

Voilà un roman construit sur une idée originale, le principe de la mise en abyme. Entre chaque chapitre du manuscrit que nous lisons avec elle, Jane se demande qui a bien pu écrire sa biographie en collant si parfaitement aux faits et même à ses propres sentiments. Tour à tour elle soupçonne d’anciens amants, son ex-mari, ses collègues, sa meilleure amie, sa voisine… Cela donne un petit côté thriller bien relevé à ce récit d’une éducation sentimentale qui semble par moments bien piteuse (pour rester dans le registre flaubertien). Flaubert est d’ailleurs une sorte de personnage lui-même, une statue du commandeur dont le style « viril » est analysé par Jane en contraste à sa propension féminine à l’apitoiement et au bovarysme.

Le suspense, pas désagréable sans être non plus lancinant, est préservé jusqu’au bout. Le genre du « campus novel », si prisé outre-Atlantique, est magistralement rendu par cette romancière française qui vit aux Etats-Unis et nous offre une vision française d’une réalité américaine qu’elle connaît bien. Et ça, j’avoue que ça me parle car je connais un peu le monde de la recherche en sciences sociales en France et je retrouve certains points communs : la morgue de certains mandarins, l’aliénation des jeunes chercheurs (chacun dans son coin), l’empilement de tâches administratives… (En revanche, les colloques à Hawaï ça nous manque en France !).

Il y a juste le personnage de Jane avec qui j’ai eu un problème justement, au point que ça a dû être un effet recherché par l’auteur : un peu chichiteuse ou gnangnan, tendance « je me noie dans un verre d’eau », l’enjeu pour moi a été de savoir si elle allait finalement réussir à prendre le taureau par les cornes ! Réponse sous forme de pirouette (à la limite de la vraisemblance) à la fin 😉

En résumé : un roman bien construit, un style sans ornement qui ne perd pas le rythme, un sujet pas excessivement transcendant mais intéressant. Je ne regrette pas de l’avoir lu ni de l’avoir acheté aux puces, même si probablement les prochains Cusset que je lirai seront empruntés à la bibliothèque car je n’ai pas ressenti de coup de cœur envers ce livre que tous les cussetophiles révèrent.

Le roman a reçu le grand prix des lectrices de Elle en l’an 2000.

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« Le problème avec Jane » de Catherine Cusset, Folio, Gallimard, 2001, 459 p.

10 commentaires sur « Catherine Cusset, Le problème avec Jane »

  1. Le principe de la mise en abyme semble intéressant, bien que je ne sois ni connaisseuse ni attirée par ce genre du « campus novel » (ils sont fous, ces Américains hein).
    Bonne chance avec La Chartreuse, par ailleurs ! Il m’avait bien plu, pour ma part, beaucoup plus que Le Rouge et le Noir que j’ai très très péniblement tombé l’été dernier : un vrai chemin de croix fini en diagonale.

    1. Oui la mise en abyme donne du dynamisme à une histoire que j’aurais sinon trouvé un peu fade. J’aime bien les campus novel pour ma part, car j’aime bien les histoires qui se passent en milieu clos, et ça me rappelle un tout petit peu ma propre profession 😉
      Concernant la Chartreuse : j’aime le style, les intentions de Stendhal, certaines pages sont très belles… mais j’ai du mal à rester concentrée je l’avoue ! Stendhal me perd un peu !

  2. Je n’ai jamais lu Catherine Cusset. J’aime beaucoup les « campus novel », David Lodge, Alison Lurie ou plus récemment David Carkeet. Je vais donc suivre ton conseil et voir si ma bibliothèque dispose de ce titre.

    1. J’ai hâte de lire ton avis si tu le lis ! Moi aussi j’aime bien David Lodge mais je ne connais pas les deux autres !

  3. Je n’ai jamais lu Cusset non plus mais ce roman me fait de l’oeil depuis plusieurs années. J’ai trouvé ton billet très intéressant, il me donne une autre image de ce titre. Nul doute que je finirai par le lire mais pour l’instant j’essaie « d’éponger un peu ma PAL » (un vrai désastre!). J’en profite pour t’adresser toutes mes félicitations !

    1. Ne m’en parle pas, c’est en effet un problème sans fin les PAL !!! Je serais intéressée de lire ton avis sur ce titre si tu le lis un jour en tout cas.
      Merci pour les félicitations, c’est pour mon futur accouchement ? 😉

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